Elise RIVET, une religieuse lyonnaise dans la Résistance

Le 30 mars 1945, à l’entrée du camp de concentration de Ravensbrück, une Ford blanche de la Croix-Rouge internationale de Genève est à l’arrêt. Dans la voiture, un médecin suisse attend que le capitaine SS Fritz Suhren veuille bien lui ouvrir pour échanger trois cents détenues françaises contre des prisonniers allemands. Il pleut des cordes, le commandant du camp est occupé, la Croix-Rouge patientera.

A l’intérieur du camp en effet, on procède à l’élimination par la chambre à gaz de trois cents cinquante détenues qui ont été « sélectionnées » du fait de leur maigreur effrayante, de leurs jambes enflées. Parmi elles, le matricule 46 921. C’est un vendredi, c’est le Vendredi Saint.

Ravensbrück est un camp de concentration construit en 1939 et destiné d’abord aux prisonnières allemandes de « droit-commun », aux « asociales » et autres témoins de Jéhovah, surtout aux récalcitrantes à l’ordre nazi dans le Reich. Avec la guerre, les détenues viendront de toute l’Europe… Ce « konzentrationslager » est aussi un pourvoyeur d’emplois pour de jeunes aryennes à qui l’on promet des responsabilités et un salaire attractif : elles seront gardiennes, infirmières ou secrétaires selon leurs compétences.

Au cours de l’hiver 44-45, Ravensbrück devient un camp d’extermination car la progression des troupes soviétiques à l’est, et celle, plus laborieuse mais inéluctable des armées anglo-américaines à l’ouest, ne laisse guère de doute sur l’issue du conflit. Seuls Hitler et quelques fanatiques de son entourage croient encore à un retournement de situation, comptant sur l’efficacité des fusées V1 puis des V2. Si la guerre est donc perdue pour l’Allemagne, si « le Reich de mille ans » doit disparaître, alors il emportera avec lui tous ceux et celles qu’il a pris dans ses griffes : ce sera son ultime victoire. Dès lors, la distinction entre « camps de concentration » et « camps d’extermination » n’est plus pertinente et l’on construit dans les camps allemands des chambres à gaz en toute hâte, on transfère des détenus d’un camp à l’autre, au gré des progrès de l’Armée rouge, pour être sûr qu’ils n’en réchapperont pas. A Ravensbrück les premières chambres à gaz apparaissent à la fin de l’année 1944.

Situé à 80 kilomètres de Berlin, près de la petite ville de Fürstenberg, Ravensbrück est planté près d’un lac bordé de conifères et de bouleaux. Le lieu serait presque romantique, si la rudesse de son climat ne l’avait fait appeler « la petite Sibérie mecklembourgeoise ». Jusqu’à sa libération par les soviétiques, en avril 1945, il a accueilli, dans de confortables villas donnant sur le lac, des SS et leurs familles, dans ce qui pourrait ressembler, à condition de ne pas lever les yeux et de ne pas se trouver dans le sens du vent, à une station balnéaire de la Baltique. Oui, il est important, pour apprécier ce site, de ne pas trop s’approcher, pour ne pas sentir la fumée des crématoires de Ravensbrück. Il est important de ne pas y entrer si l’on ne veut pas « recevoir en pleine gueule, l’haleine du camp » (1.) qui vous fait deviner que vous venez d’arriver dans « l’enfer des femmes ».

Mère Elisabeth de l’Eucharistie, enregistrée sous le nom d’Elise Rivet, y pénètre pourtant avec ses « camarades » venues de France, le 26 juillet 1944 et devra désormais répondre à l’appel de son matricule : le 46 921. Elle fait maintenant partie de ces dizaines de milliers de femmes, allemandes, autrichiennes, polonaises, juives, tchèques, tziganes, russes, françaises, tchèques, yougoslaves, hongroises, belges, condamnées à la famine, à un esclavage quotidien et sadique. Malheur à celles qui sont accompagnées de leurs enfants (les tziganes surtout) et à celles qui sont enceintes car les nouveau-nés sont assassinés sous leurs yeux dès la naissance. Malheur aux slaves, aux Polonaises en particulier, qui serviront de cobayes humains (2.) à des médecins allemands dont certains ont été tout spécialement envoyés de Berlin par Himmler qui veut savoir si son « cher Heydrich » aurait pu être sauvé de la septicémie, conséquence de l’attentat qui l’a frappé à Prague en juin 1942. Pour comprendre le processus de la maladie et, accessoirement, trouver un remède, on infecte les jambes de ces femmes surnommées « les lapins ». Celles qui n’en meurent pas dans d’atroces souffrances déambulent dans les allées du camp, équipées de béquilles de fortune, promises au gaz.  A quelques encablures, une usine Siemens exploite sans scrupules celles qui ne sont pas mobilisées par des travaux de terrassement ou d’assèchement des marais alentours… Un « petit camp » réservé aux hommes sera également construit à proximité de l’usine.

Lorsqu’elle arrive à Ravensbrück comme déportée politique, Mère Elisabeth de l’Eucharistie a cinquante-quatre ans et a déjà connu plusieurs mois de captivité en France, depuis son arrestation à Lyon en mars. Montluc puis Romainville sont les prisons où elle a subi privations et interrogatoires mais où elle a aussi fait l’expérience de la fraternité, y compris avec celles qui n’ont aucune croyance ou religion mais qui ont su reconnaître en elle une « très authentique et vaillante combattante de la Résistance » (3.) et ne cesseront de l’appeler « la Mère ».

Qui est Mère Elisabeth ?

On ne sait presque rien de son enfance, sinon qu’elle est née en Algérie, dans une petite ville de colons de la banlieue algéroise, Draria, en 1890. Elle est jolie, elle apprend le piano et fait des excursions sur les sites archéologiques du pays où elle se familiarise avec le cipolin grec, le marbre de Paros et de Carrare, le Rouge antique d’Egypte et la Brocatelle. A la suite du décès de son père, elle rentre en métropole en 1909 et s’installe à Lyon, avec sa sœur Pauline. Elise trouve un emploi dans un salon de coiffure, cours Morand. Trois ans plus tard, elle frappe à la porte du couvent Notre-Dame de la Compassion, à Fourvière, pour y devenir religieuse.

Cette institution, née au début du XIXème siècle, accueille des mineures délinquantes, des enfants confiés par des familles dépassées, plus tard des Pupilles de l’Etat. A la Compassion, on leur apprend l’obéissance, la vertu, la prière, le ménage et la couture en attendant leur majorité et dans la perspective de les marier. Quelques-unes ne quittent pas l’institution et deviennent des « Sœurs de la Pénitence », sortes de converses « assimilées » aux religieuses mais exclues du gouvernement de la maison, réservé aux « Sœurs de Chœur ». C’est donc à cette vie cachée que se destine Elise Rivet à l’âge de vingt-deux ans. Son noviciat est difficile et elle songe un temps à partir : « J’ai été tentée de m’en aller tant j’avais de peine à me plier à la règle mais je me trouvais dans l’impossibilité de le faire par moi-même parce que je n’avais ni chapeau ni porte-monnaie. » (4.) Trois ans plus tard, le 30 mai 1915, elle prononce ses vœux perpétuels et devient Sœur Elisabeth de l’Eucharistie. Dotée d’une forte personnalité et de capacités intellectuelles reconnues, on lui confie très vite des responsabilités : elle est d’abord « Directrice de la classe de la Providence » puis maîtresse des novices avant de devenir l’assistante de la Mère supérieure en 1925. En 1933 elle est élue « Supérieure Générale du Monastère de Sainte-Elisabeth de Notre-Dame de Compassion ». Elle a quarante-trois ans et fera montre d’une autorité sans faille et sans partage, ne manifestant de l’affection qu’à ses protégées venues de la rue, ce qui ne l’empêcha pas, à l’occasion, de gifler une pensionnaire qui lui tenait tête.

Sa congrégation est pauvre. Elle ne vit que de commandes de lingeries, en particulier de trousseaux de mariage pour les jeunes filles de bonnes familles et de vêtements liturgiques (des chasubles notamment) ainsi que du soutien de « bienfaitrices » de la bourgeoisie et de l’aristocratie lyonnaise qui organisent ventes de charité et tombolas au profit des sœurs. Mère Elisabeth ne tarde pas à déplaire à ces femmes car elle ne supporte pas longtemps leur ingérence dans les affaires du couvent, sous prétexte de leur aide matérielle. Ces Dames font en effet partie du Conseil d’administration et ont tendance à se croire chez elles rue de l’Antiquaille… Avec la nouvelle Supérieure, tout cela est fini et pour que le message soit clair il lui arrive de ne pas les recevoir ou de les tenir à distance, derrière les grilles de la clôture, un comble. Le Comité des bienfaitrices s’en indigne au point de se rendre à l’évêché pour se plaindre auprès du nouvel archevêque de Lyon, Monseigneur Gerlier, de cette femme qui ne mâche pas ses mots, expédie les réunions et lui cache le plus possible d’informations sur la situation financière du couvent. Les plaignantes précisent qu’elles se font aussi les porte-paroles de plusieurs religieuses qui souffriraient de son caractère intransigeant. A cela la Supérieure de la Compassion répond qu’elle protège ses sœurs de « la mauvaise influence » du Comité. De son côté, le cardinal ne semble pas très concerné par cette affaire, considérant peut-être que l’ère des Dames patronnesses est révolue et qu’il faut désormais faire place à un engagement religieux plus moderne, celui de l’Action catholique, dont il est l’un des plus fervents promoteurs en ces années 1930. Les « bienfaitrices » finiront d’ailleurs par démissionner du Conseil, ce qui aggravera sans doute la situation matérielle de la Compassion, pourtant déjà précaire. Quand la farine et le charbon viendront à manquer, on priera donc plus ardemment Saint Joseph. A l’occasion, Mère Elisabeth, avec solennité, fait mettre un sac de farine autour du cou de la statue du saint pour lui manifester la difficulté de nourrir et de chauffer plus de deux-cents personnes, sans parler du jardinier qu’il faut bien rétribuer. Pour autant, la religieuse trouve toujours plus pauvre qu’elle : un jour par exemple, elle rentre pieds nus au couvent après avoir donné son unique paire de chaussures à un nécessiteux. Elle vaquera désormais en sabots.

Si Mère Elisabeth est pieuse et charitable, elle est aussi pragmatique : pour la survie du Refuge (autre nom de la Compassion) elle écrit en 1936 au maire de Lyon, Edouard Herriot, afin qu’il intervienne auprès du Ministre de l’Intérieur pour accélérer l’obtention de deux décrets d’utilité publique pour son Œuvre. Ceci lui permettrait d’obtenir des subsides de l’Etat pour assurer convenablement l’accueil des jeunes filles qui lui sont confiées. Celui qui vient d’être élu Président de la Chambre des députés fait le nécessaire.

Pourquoi obtempère-t-il si facilement ? Parce qu’il connaît bien Mère Elisabeth avec qui il entretient depuis 1933 des liens étroits, lui « le dernier grand maire anticlérical de Lyon. » (5.) A l’occasion de la béatification de Thérèse Martin en 1923, par exemple, il avait eu ce commentaire : « Les saturnales religieuses de Lisieux, les prosternations collectives devant les tibias d’une pauvre fille (à toi le péroné, à moi la malléole) attestent les conquêtes de la sottise. » (6.) Sait-il alors que les sœurs de la Compassion possèdent une relique de Sainte Philomène dont l’existence et le martyre sont plus qu’incertains ? Sans doute que non, du moins c’est ce qu’on leur souhaite…

C’est pourtant bien lui, le radical-socialiste, qui, le lendemain de l’élection de Sœur Elisabeth de l’Eucharistie comme Supérieure de la Compassion, envoie une délégation de la Ville de Lyon et des Beaux-Arts sonner à la porte du couvent. Son but ? Demander l’autorisation d’effectuer des travaux de sondage à l’intérieur du clos de l’Antiquaille, propriété des sœurs. L’archevêché ayant donné son accord (c’est alors le cardinal Maurin qui dirige le diocèse), il ne manque plus que celui de la Mère supérieure. Celle-ci accepte, d’autant qu’elle a déjà orchestré des fouilles approfondies sur le site et constitué le premier musée archéologique, certes modeste, de Lyon. Elle espère en effet que son couvent se trouve sur le lieu du martyre des chrétiens de Lugdunum, à savoir l’amphithéâtre des Trois Gaules… Quant à la Municipalité, elle en tirerait un beau prestige et développerait son attractivité touristique encore insuffisante selon Edouard Herriot, homme de culture et de pragmatisme, lui aussi.

Pourtant, cette aventure archéologique qui doit la ravir et la replonger dans sa jeunesse, sera une source d’ennuis et de déceptions sans nombre pour Mère Elisabeth car non seulement le sang de Blandine et de Pothin n’a jamais coulé sur ces lieux, mais le site est finalement classé après qu’on y a découvert un odéon, ce qui entraîne à court terme l’expropriation des Sœurs… Et comme un malheur n’arrive jamais seul, l’administration menace l’institution d’un redressement fiscal puisque les religieuses n’auraient pas payé leurs impôts depuis 1923 : de l’utilité, en effet, du Conseil d’administration dirigé alors par ces Dames doit se dire la Supérieure ! A cela s’ajoute enfin une attaque de doryphores qui ont mis en péril la récolte des pommes de terre… Devant une telle situation qui nécessite des fonds en urgence la Supérieure, qui a dû acheter une nouvelle demeure au Point-du-Jour pour y loger tout son monde, va devoir se battre pendant des années pour obtenir l’indemnité fixée correspondant à la hauteur du préjudice que représente l’expropriation. Malheureusement pour elle, la Municipalité n’honore pas ses engagements dans les délais annoncés car son budget est au plus bas depuis que la France a plongé dans une crise économique qui rend les investissements culturels secondaires. Edouard Herriot, que Mère Elisabeth ne cesse de solliciter par ses courriers et ses visites à l’Hôtel de Ville, fait de son mieux mais ne parvient à lui accorder que des avances toujours insuffisantes. Au Point-du-Jour, où les religieuses doivent emménager au plus tôt, les travaux sont donc ralentis faute d’argent et, en 1936, ils sont arrêtés plusieurs mois du fait des grèves qui accompagnent l’élection du Front Populaire ! La situation est donc plus que critique et Mère Elisabeth confie souvent au Président Herriot son « angoisse » devant cette impasse aggravée par la flambée des prix. Pour autant, dans sa correspondance avec le maire, elle n’émet pas de jugement sur la situation politique et sociale du pays, contrairement au quotidien catholique Le Nouvelliste de Lyon qui n’a pas de mots assez durs pour dénoncer le « péril rouge » qui frappe la France. Le Nouvelliste (grand concurrent du Progrès) est un quotidien très apprécié des familles catholiques et il serait étonnant que Mère Elisabeth ne le lût pas, ne serait-ce que le jour où un article consacré aux fouilles de Fourvière la montre, assise à côté d’Edouard Herriot, sur les marches du petit théâtre enfin sorti de l’ombre. Dans une autre lettre à ce dernier, en 1937, elle évoque « les heures particulièrement graves pour notre chère Patrie ». A quoi pense-t-elle précisément ? Au suicide, quelques mois plus tôt, de Roger Salengro, victime d’une odieuse campagne de calomnie orchestrée par la presse d’extrême droite ? C’est possible. En cette fin des années trente, qui ne se préoccuperait pas d’un climat de guerre civile larvée dans une France qui se trouve en étau entre l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste, l’Espagne franquiste et une Angleterre qui joue l’apaisement ?

Ancrée dans son siècle, à une époque où les femmes sont exclues du suffrage et de l’élection (sauf dans les couvents), Mère Elisabeth continue inlassablement son œuvre de charité et accepte d’héberger provisoirement des femmes sorties de prison et qui sont sans ressources. Saint Joseph a du souci à se faire…

Le 3 septembre 1939, ce qui s’annonçait arriva : la France entre en guerre contre l’Allemagne et ce qui n’était pas prévisible s’avéra : elle fut vaincue après neuf mois d’une « drôle de guerre » et six semaines de combats acharnés en juin 1940. « Etrange défaite » écrira Marc Bloch. Effondrement d’un pays.

Le 15 juin, après Paris, Lyon se déclare « ville ouverte » pour éviter d’être bombardée. Elle est occupée le 19 par les troupes allemandes qui ont préalablement massacré avec une cruauté tout imprégnée de racisme les courageux tirailleurs sénégalais qui ont défendu en vain le fort de la Duchère. La Préfecture de Lyon est investie vers 16 heures, des drapeaux à croix gammée pavoisent sur sa façade, on règle l’horloge à l’heure de Berlin, des badauds incrédules observent la scène derrière les grilles. A l’intérieur du bâtiment, on sabre le champagne que les huissiers montent des caves et, conformément aux lois de la guerre, on réclame six otages. Vivier-Merle, secrétaire départemental de la CGT, le cardinal Gerlier et le préfet Bollaert en sont. La Supérieure de la Compassion a dû en être particulièrement affectée puisqu’elle connaît personnellement, outre l’archevêque de Lyon, le préfet qui lui a remis les palmes académiques trois ans plus tôt et dont l’épouse est devenue une amie.

Pendant dix-sept jours, Lyon vit donc à l’heure allemande, le pillage s’organise, les restrictions commencent. L’occupant reste « correct » mais dans les caves de la Préfecture, il abat deux algériens ainsi qu’un africain. Un agent de police en fera le constat dans son rapport du 22 juin. Le 7 juillet cependant, les troupes ennemies quittent la ville, conformément aux dispositions fixées par l’armistice. Les otages sont libérés. Désormais, et jusqu’en novembre 1942, Lyon fait partie de la zone sud dont la capitale est Vichy.

En ces heures tragiques, Edouard Herriot n’est pas à Lyon mais précisément à Vichy où, le 10 juillet 1940, les députés et sénateurs présents, à l’exception d’une poignée, votent les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain pour rédiger une nouvelle Constitution, c’est-à-dire changer le régime politique de la France sans passer par la voie parlementaire. Le nouveau chef de l’Etat n’a pas souhaité s’adresser à « ces gens-là », les députés de 1936, qu’il méprise. La République est morte, le dernier Président de l’Assemblée nationale s’est abstenu et il enverra à Philippe Pétain sa Légion d’honneur deux ans plus tard quand celui-ci l’attribuera à des membres de la Légion des Volontaires Français contre le bolchevisme qui se battent à l’est sous l’uniforme allemand. En attendant, Edouard Herriot est démis de ses fonctions de maire de Lyon (après trente-cinq ans de mandature) et se retrouve en résidence surveillée. Il est vrai qu’il est une des incarnations d’un régime parlementaire honni par de nombreux Français et rendu responsable de la défaite par Vichy. La presse collaborationniste, bien qu’il fût tout à fait favorable au Maréchal en juin 1940, se déchaîne contre Herriot.

« Quel honneur, écrit-il, d’être injurié par ces mercantis de l’ordure, du mensonge et de la calomnie. » (7.)

Monseigneur Gerlier, lui, prépare la venue du Maréchal à Lyon. Celle-ci est fixée le 16 novembre. C’est donc une primatiale noire de monde (comme d’ailleurs la place des Terreaux pour les cérémonies civiles) qui accueille le grand homme, au demeurant plus libertin que dévot. Mais on ignore cela à la cathédrale et, dans une vibrante allocution (« Pétain, c’est la France et la France, aujourd’hui, c’est Pétain ! »), le cardinal, lui-même ancien combattant de la guerre de 14, fait un éloge du nouveau chef de l’Etat à qui le pays se serait donné sans réserve, comme si la poignée de main à Montoire, un mois plus tôt, n’avait provoqué aucun émoi chez les Français. Quant aux « statuts des juifs » de juillet puis d’octobre 1940 signés de la main du Maréchal, ils n’ont pas entraîné de désapprobation particulière du prélat.

Mère Elisabeth est-elle à Saint-Jean ce 16 novembre 1940 au milieu d’une foule tout acquise à la célébration du Maréchal ? C’est fort possible. A-t-elle la même ferveur que le cardinal ? Difficile à dire mais on peut penser que, son père étant mort avant la guerre de 14, et n’ayant pas eu de frère qui aurait pu participer aux combats et à ce titre vénérer le vieux Maréchal, Mère Elisabeth étant elle-même au couvent pendant le conflit à tricoter des chaussettes pour les poilus, le culte du « vainqueur de Verdun » ne devait pas beaucoup la concerner, ou alors de façon atténuée. Surtout, la mise à l’écart, brutale, du Président Herriot, peut la laisser perplexe devant ce nouveau régime, d’autant que le préfet Bollaert a été lui-même révoqué deux mois plus tôt et qu’il est vraisemblable que son épouse, proche de Mère Elisabeth, lui ait confié qu’on lui faisait payer son refus de prêter serment au Maréchal. Enfin, alsacienne par sa mère, elle ne se reconnaît peut-être pas dans un homme qui, « librement » déclare–t-il, choisit la « collaboration » avec l’Allemagne qui vient d’annexer au Reich ce département si chèrement repris en 1918. A partir de novembre 1940, résister à l’occupant, c’est donc résister à Vichy. Et la création de la Milice, en 1943, fait tomber le mythe du double jeu…

Mère Elisabeth, elle, n’attend pas cette date pour ouvrir les yeux et entrer en résistance, tout en continuant à diriger son couvent et à chercher farine et charbon devenus plus rares et plus chers pendant la guerre. En 1941, elle est d’ailleurs sollicitée par la mairie de Saint-Etienne pour ouvrir un Refuge, les services sociaux de la Ville étant débordés par le nombre d’enfants sans abris, errants dans les rues, certains ayant été perdus par leurs parents au moment de l’exode de mai-juin 40. A propos des locaux fournis par la Municipalité stéphanoise, Mère Elisabeth écrira en décembre 1941 à l’une de ses sœurs : « Je vous assure que c’est Bethléem, avec en plus la malpropreté », ajoutant « je suis si lasse que je m’endors dès que je m’assieds ». Une photo d’elle, prise à cette époque, la montre épuisée, prématurément vieillie, et l’on veut bien croire, en effet, qu’elle s’endorme sitôt assise.

Cependant, la mise en route de cette nouvelle maison sera aussi pour elle l’occasion d’élargir ses activités d’agent de renseignements qui s’intensifient à partir de novembre 42 lorsque la zone sud est occupée par les troupes allemandes après le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord. Elle fera de même lorsqu’elle se rendra à Brignais où la ville de Lyon a proposé que la Compassion déménage en attendant son installation définitive au Point-du-Jour. A l’occasion, le commandant Hugon (qui l’a recrutée dans son réseau) lui demande de mettre en sécurité dans son couvent des agents en danger. Elle transporte aussi sur elle des faux papiers, en particulier pour les réfractaires au STO. C’est ainsi qu’elle est en contact avec le réseau Ajax dont elle devient, de facto, un membre actif. Ceux qui l’ont connue à cette époque ont pu témoigner de son zèle dès qu’il s’agissait de nuire à l’occupant, de son courage. Une fois que les sœurs seront enfin installées dans leur nouvelle propriété, en 1943 (soit dix ans après la première visite de la Ville pour effectuer des fouilles à l’Antiquaille), elle acceptera de cacher d’importantes quantité d’armes après avoir, dès 1940, recueilli les archives de la Marine pour les soustraire à l’ennemi.

Comment est-elle entrée en contact avec des réseaux de résistance si tôt ? A ce jour, nous l’ignorons. Peut-être a-t-elle été contactée par le préfet destitué, Emile Bollaert qui, après avoir été un grand combattant en 14-18 (il fut décoré de la Croix de guerre) devint un grand résistant (il reçut la Médaille de la Résistance et intégra le groupe très restreint des Compagnons de la Libération) ?

Ce qui est sûr, c’est que pour faciliter ses activités clandestines, Mère Elisabeth a dû trouver un prétexte pour garder à l’Antiquaille un local qui lui sert de bureau et lui permet de disposer d’un téléphone. Parmi ses interlocuteurs téléphoniques, il y a le cardinal Gerlier car, si celui-ci reste favorable à la Révolution nationale et sa politique de discrimination envers les Juifs (le fameux « antisémitisme d’Etat » cher aux maurassiens), il s’indigne qu’on les persécute. Comme beaucoup de ses contemporains, il ne saisit pas encore que la discrimination précède ou même prépare la persécution, que l’on ne peut pas approuver l’une et déplorer l’autre.

A Paris en tout cas, la presse collaborationniste (Gringoire, Le Pilori) vomit ce cardinal qui, après la rafle du Vel d’Hiv en juillet 42, a fait lire dans toutes les paroisses de son diocèse, à l’instar des évêques de Toulouse et de Montauban, un texte dénonçant les violences dont sont victimes les hommes, les femmes et les enfants juifs se trouvant sur le sol français. Scandalisé par cette initiative, un journaliste du Pilori écrit : « Au nom de la France […], au nom de la chrétienté tout entière, je réclame la tête de Gerlier, cardinal, talmudiste délirant, traître à sa foi, à son pays, à sa race. Gerlier, je vous hais ! » (8.) Pourtant, les fanatiques antisémites de Paris auront beau vociférer, ils n’auront pas la tête du primat des Gaules (et unique cardinal de la zone sud) car Vichy a besoin de lui comme caution morale. Et Monseigneur Gerlier, pour sauver ceux dont le sort est chaque jour plus tragique, donnera l’ordre à toutes les institutions religieuses de son vaste diocèse d’ouvrir leurs portes aux persécutés, conformément, d’ailleurs, aux consignes de Valerio Valeri, le nonce apostolique. Il couvre également les Amitiés chrétiennes et l’abbé Glasberg dont la connaissance du yiddish rassure les parents qui doivent « abandonner » leurs enfants pour qu’ils aient une chance de survivre ; il ferme très certainement les yeux sur les activités clandestines de Mère Elisabeth, si toutefois elle lui en fait part, la règle dans la résistance étant le silence et la dissimulation. Celle-ci feint sans doute d’ignorer que l’assemblée des cardinaux et archevêques de l’Eglise de France a condamné, en octobre 1943, la « résistance catholique » pour ses déplorables « attitudes de jugement personnel et d’indépendance. » (9.)

Ce qui est sûr, c’est que le cardinal sait parfaitement ce qui se trame dans son dos le samedi matin quand il dit sa messe dans la chapelle du Rosaire à Fourvière. En effet, les religieuses de la Compassion qui s’y rendent (dont Mère Elisabeth bien sûr) sont accompagnées d’enfants juifs et quand elles quittent le banc pour aller communier, des jeunes femmes viennent s’asseoir à côté d’eux puis les emmènent à la fin de la messe pour les exfiltrer de Lyon où la Gestapo les traque sans relâche. De son côté, le successeur du préfet Bollaert, Alexandre Angeli, met un zèle particulier à appliquer les consignes de sa hiérarchie depuis que René Bousquet, secrétaire général de la Police de Vichy, a décrété, en accord avec Pierre Laval, que les enfants seraient livrés aux Allemands avec leurs parents. Nous sommes le 18 août 1942 et la zone sud doit fournir les contingents attendus, ce qui est rendu possible par l’incarcération de familles entières dans des camps de transit destinés à la déportation vers l’Allemagne comme Nexon (dans le Limousin) ou Vénissieux. Qui se souciera de ces Juifs, étrangers ou apatrides, pense-t-on en haut lieu ? Dans une course contre la montre à laquelle participe Mère Elisabeth, de simples Français, des anonymes, des êtres humains vont s’en soucier, au péril de leur vie.

« Bettie », comme on appelle Mère Elisabeth dans la résistance, s’habille parfois en civil pour ce type d’opérations. Les enfants, qu’elle sait rassurer, sont parfois échangés au pied de la « tour Eiffel » de Fourvière, dans les jardins du Rosaire ou sur le chantier de l’odéon, près d’un gros cerisier. Là, elle retrouve la toute jeune Marie-Joseph Tronel dont le père, membre de la résistance, est un ami du cardinal Gerlier. Un jour, c’est un nourrisson que la religieuse confie à sa complice. Plus tard, cette dernière dira son admiration pour cette femme « au regard franc et sans jugement », qui garde son sang-froid en toute circonstance.

Ce fut en effet le cas le jour où Mère Elisabeth, alors qu’elle téléphonait au Point-du-Jour depuis son bureau de Fourvière, entendit la voix d’un homme lui répondre. La Gestapo venait en effet d’investir le couvent et l’attendait. C’était le 24 mars 1944. En cette veille de l’Annonciation, les équipes de Klaus Barbie ont en effet décidé de perquisitionner le couvent et dépêchent une voiture pour aller chercher la religieuse à Fourvière où elle leur a dit se trouver. Lorsqu’elle arrive au couvent, quelques minutes plus tard, ses sœurs qui prient en tremblant dans la chapelle sans bien comprendre ce qu’il se passe, sont frappées par sa pâleur. Mère Elisabeth s’incline devant le tabernacle et conduit les policiers nazis à son bureau où ils ne trouvent rien de compromettant pour elle. En revanche, les armes de l’Armée secrète qui sont cachées dans la cave sont facilement repérées. Il est probable que leur acheminement, même la nuit, a pu être remarqué dans le quartier et qu’un coup de fil anonyme a alerté les autorités allemandes. Cependant, les archives de la Marine ont échappé à la vigilance de la Gestapo qui se saisit de Mère Elisabeth, lui passe les menottes et lui laisse à peine le temps de faire un signe d’adieu à ses sœurs. Elle demande toutefois à ces « messieurs » de ne s’en prendre ni aux religieuses ni aux enfants du Refuge qui n’y sont pour rien et s’engouffre dans la traction noire qui la conduit au siège de la Gestapo, rue Berthelot où l’attend (à moins qu’il ne fût présent lors de la perquisition) Klaus Barbie puisque celui-ci, en 1983, confiera au journal allemand Stern : « L’abbesse du couvent était membre de la Résistance. C’était un cas difficile, nous devions appliquer de sévères représailles. » On peut penser que Monseigneur Gerlier est intervenu car Klauss Barbie, toujours au Stern, dit qu’il lui a « montré les armes », preuve accablante de la culpabilité de la religieuse.

Avec Mère Elisabeth, les Allemands ont emmené son assistante, Mère Marie de Jésus, car ils sont persuadés qu’elle est sa complice. Elles sont interrogées ensemble et Mère Marie de Jésus répète qu’elle ne sait rien, ce qui est à peu près sûr. On ignore les réponses de Mère Elisabeth. On sait seulement qu’aucun membre de son réseau n’a été arrêté. En revanche, la Gestapo revient au couvent à plusieurs reprises pour chercher d’autres armes et menace les sœurs de tout brûler si elles ne parlent pas. Mais elle finit par renoncer : visiblement, les religieuses ne sont au courant de rien et les armes trouvées lors de la première perquisition sont sans doute les seules qui avaient été cachées.

Mère Elisabeth est incarcérée au Fort de Montluc, transformé en prison par les Allemands après novembre 42. La prison est organisée en trois quartiers : un pour les hommes, un pour les femmes, un pour les Juifs, le pire. Partout, les prisonniers sont entassés et des cellules sont même aménagées dans les caves.

C’est donc dans le quartier des femmes (le « Frauen Sektion ») que les deux religieuses sont incarcérées. Comme toutes les détenues, elles subissent dans un premier temps une fouille méticuleuse mais, à la différence de son assistante, Mère Elisabeth doit se dévêtir entièrement. La fouille se poursuit avec l’examen brutal et humiliant des différentes parties du corps, y compris les plus intimes. Ensuite, les prisonnières sont séparées et Mère Elisabeth passe plusieurs semaines à l’infirmerie puis rejoint le « Réfectoire » où se trouve une quarantaine de détenues. On imagine assez bien leur stupéfaction, et peut-être leur méfiance, à la vue d’une religieuse arrivant en habit dans un pareil endroit. De son côté, Mère Elisabeth va devoir se faire à la promiscuité, à une nourriture le plus souvent infecte, à des conditions d’hygiène insuffisantes, au manque d’activité physique, à l’ennui aussi. Elle sera initiée au vocabulaire carcéral : la « hyène », c’est la gardienne en chef, véritable « règlement ambulant » ; les autres surveillantes sont « la vipère, qui frappe et jappe sans raison apparente » et la « Couette » dont les détenues moquent « les gros yeux de poisson affolé ». Toutes sont, de toute façon, « des salopes ». (10.) Seule Mère Elisabeth n’emploie pas de termes désobligeants vis-à-vis de ces femmes.

Assez vite, d’ailleurs, la religieuse prend l’ascendant sur le groupe par « sa personnalité et son rayonnement qui remontent le moral des plus déprimées » comme en témoignera plus tard Andrée Paysan, arrêtée avec toute sa famille le 22 mai 1944 (elle avait alors dix-huit ans). Lorsqu’une « nouvelle » arrive au Réfectoire, c’est Mère Elisabeth qui l’accueille « avec un sourire calme » et qui la réconforte. Le matin, elle se lève avant tout le monde pour réciter l’Office dans un petit coin que les détenues lui ont aménagé. Le soir, beaucoup la rejoignent pour la récitation du chapelet de Notre-Dame des sept Douleurs dont la première intention, invariablement, demande la dissolution de la Gestapo. Et quand une petite fille, arrêtée avec sa mère et qui n’a que huit ans, est prise d’angoisse quand celle-ci est amenée à l’interrogatoire, c’est vers la religieuse qu’elle trouve écoute et affection, jouant parfois avec son gros chapelet pour faire passer le temps.

Le temps qui passe, justement, annonce la libération du pays avec les débarquements de Normandie et bientôt de Provence mais cela entraîne aussi une répression plus féroce que jamais. A Montluc, exécutions et déportations s’accélèrent. Le 19 juin, un prêtre allemand se rend au Réfectoire et donne aux prisonnières une absolution générale qui ne peut que les inquiéter. Le 1er juillet, les derniers convois de déportées quittent Lyon. Mère Elisabeth est du voyage.

Avec ses camarades, elle s’aligne dans la cour de Montluc et, après une série de contrôles qui n’en finissent pas, elle monte dans un autocar qui la conduit à Perrache. Sur les quais, une jeune étudiante qui vient d’être arrêtée est frappée par cette femme qui, « dans un monde de folie et d’angoisse, gardait le comportement d’un être libre, entièrement tourné vers les autres. » (11.) Enfin, le train s’ébranle : on atteint Dijon, on passe Is-Sur-Tille, puis Troyes et on s’arrête à Romainville, dernière étape française avant l’Allemagne.

Le Fort de Romainville est en effet un camp de transit, une sorte de gare de triage avant la déportation à proprement dit, où l’on ne fait qu’un bref séjour. Trois mille neuf cents femmes sont passées par là pendant la guerre. Mère Elisabeth y reste à peine quinze jours pendant lesquels ses camarades constatent une fois de plus son calme, son souci de maintenir la cohésion du groupe et de pratiquer une forme de résistance « morale et spirituelle » (12.). Elle ne sort guère dans la cour du camp qu’elle observe depuis une fenêtre. Une jeune femme angoissée, Mademoiselle Rose, trouve auprès d’elle écoute et réconfort et ne la quitte pas, surtout quand les bombardements alliés se rapprochent puisque Romainville est tout près de Paris.

Le 14 juillet, un dernier appel rassemble les prisonnières avant un nouveau départ, cette fois pour l’Allemagne. Alors, celles qui ne partent pas ce jour-là entonnent un : « ce n’est qu’un au-revoir ma Mère ! » que les cris des gardiens ne parviennent pas tout à fait à couvrir.

Quatre jours plus tard, le « convoi des 46 000 » arrive au camp allemand de Neue Brem, à côté de Sarrebruck.  Les détenues, transportées dans des wagons à bestiaux, ont souffert de la chaleur et de la soif. Mère Elisabeth fait un malaise.

A l’origine, Neue Brem est un camp réservé aux Alsaciens-Lorrains qui ne veulent pas se plier au nouvel ordre depuis l’annexion au Reich de ces deux départements en juin 1940. Des jeunes SS s’y font la main… Mais en cet été 1944 il accueille tous ceux et celles qui doivent disparaître dans « la Nuit et le Brouillard » des camps : les « NN » ou déportés politiques. Les matricules sont attribués, on est dépossédé de son identité, les colis de la Croix-Rouge donnés au départ de Romainville sont confisqués, on est incarcéré dans un hangar étroit et mal aéré. Mère Elisabeth fait un nouveau malaise.

Quelques jours plus tard, revenant d’un interrogatoire, elle confie à ses camarades : « Je suis, paraît-il, une criminelle de guerre ! » Mais une autre fois, c’est une femme tremblante, vêtue d’un pantalon trop grand et la tête dénudée qui les rejoint. Mère Elisabeth leur demande alors de prier pour elle car, pour la faire plier, les SS l’ont obligée à se mettre nue et se sont passés les différentes pièces de son habit religieux en ricanant. Puis ils lui ont jeté à la figure des vêtements d’homme. Une seule chose a échappé à leur vigilance : un scapulaire que la religieuse gardera précieusement. « Rien de pire ne peut m’arriver maintenant » ajoute-t-elle. Mais les SS n’ont pas réussi à éteindre son rayonnement et ses camarades continuent à la considérer comme « la Mère », malgré les habits grossiers destinés à la ridiculiser puisque ses bourreaux pensaient sans doute que sa tenue de religieuse était la cause de son prestige moral.

« Rien de pire ne peut m’arriver maintenant » (13.) dit Mère Elisabeth à celles qui partagent son destin de prisonnière. Et pourtant.

Le 23 juillet 1944, elle monte à nouveau dans un train à bestiaux pour une destination inconnue, tout au nord de l’Allemagne, Ravensbrück, où elle arrive le 26.

L’entrée dans le camp obéit à une discipline et un rite très précis. La colonne des nouvelles venues doit franchir le porche du Frauenkonzentrationslager en suivant les consignes criées en allemand et traduites en français par une prisonnière : « vous devez marcher au pas, les bras le long du corps et la tête tournée à droite où sont les officiers » (14.). Germaine Tillion, elle-même déportée à Ravensbrück avec sa mère, raconte la découverte de cet univers inconcevable : « La mise en rang par cinq, avec injures et coups, l’attente debout devant des bâtiments sombres, le défilé de fantômes hâves, déguenillés, squelettiques, l’air hagard, l’odeur de tombeau qui les suivait… cela permettait tout de suite de savoir que, pour eux déjà et maintenant pour nous, tout était fini, que de cet abîme on ne ressortirait pas. » (15.) Puis vient le moment de la douche, précédée d’un pseudo « examen de santé » qui oblige les détenues, sous une pluie d’injures dans une langue que la plupart ne comprennent pas, à se déshabiller. Un examen gynécologique permettra de repérer celles qui sont enceintes… On reste dehors en attendant son tour. C’est là que, pour la première fois, Geneviève de Gaulle rencontre Mère Elisabeth. Il n’est pas rare, en effet, que les « anciennes » se faufilent au milieu des arrivantes pour avoir des nouvelles de la guerre et du pays. Geneviève de Gaulle, donc, se dirige vers la religieuse : « on m’avait montré, dira-t-elle plus tard, où était Mère Elisabeth, je suis allée la saluer, me présenter. Tout en parlant avec elle, lui demandant si elle n’avait pas trop souffert du voyage, j’avais le sentiment bizarre d’une incongruité. Je ne comprenais pas tout de suite pourquoi, et j’ai enfin réalisé que c’était certainement la première fois qu’elle se trouvait ainsi dévêtue dans un groupe aussi nombreux, et je l’appelais « ma révérende mère » ; il y avait évidemment un contraste entre cette situation de prisonnière humiliée et le titre que je lui donnais. Mais de ce moment-là, j’ai été extrêmement frappée surtout par son regard, un regard à la fois ferme et bienveillant, très attentif et en même temps d’une grande bonté. » (16.)

Après la visite médicale, la douche, la seule de toute la captivité. On croit à un peu de réconfort mais l’eau est d’abord brûlante puis glacée et ne dure pas une minute. On est ensuite aspergé d’une poudre antiseptique puis on reçoit sa tenue de bagne. Mère Elisabeth est affublée d’une robe noire et ses cheveux sont maintenus dans un filet. Comme toutes les autres, elle reçoit une bande de tissu blanche avec son matricule (46 921) qu’elle doit coudre à la manche gauche, avec le triangle rouge des politiques frappé d’un « F » pour « Française ».

Commence alors la longue quarantaine dans le block 12 où règnent la peur, l’ennui, la faim, où les questions vous taraudent, où les nerfs sont à vif. Un soir, Suzanne Binetruy sent qu’on lui glisse quelque chose dans la main. C’est un morceau de pain que Mère Elisabeth lui a apporté et qui lui chuchote : « A votre âge, on a besoin de manger, au mien, on n’a jamais faim. Vous verrez quand vous aurez mon âge ! » (17.) Suzanne, l’étudiante qui avait remarqué la religieuse sur le quai de Perrache au moment de leur départ pour Romainville…

Après la quarantaine, les prisonnières sont affectées dans un block qui déterminera en partie leurs chances de survies car certains sont redoutés pour la brutalité qu’y font régner certaines blockovas (responsables du block entier) ou stubovas (responsables de plusieurs châlits). Les Françaises ne sont pas les bienvenues en général et une stubova polonaise déclare un jour à leur propos : « Les Françaises sont des choléras, elles ne veulent pas travailler, mais pour la soupe, ce sont les premières. » Oui, les Françaises sont assez différentes de beaucoup de déportées et, pour dresser un rempart contre le désespoir et l’anéantissement, elles pratiquent à l’occasion l’humour comme cette détenue qui travaille dans un commando de nuit à coudre des boutons pour les pantalons des SS et qui « leur fout des bouts d’aiguilles à l’endroit psychologique ». (18.) Les Françaises, toujours elles, rebaptisent les allées du camp « Avenue Henri Martin » ou « Faubourg Saint-Germain ». Elles imaginent des menus dignes du Ritz, certaines inventent des pièces de théâtre, Germaine Tillion fait une étude ethnographique du camp puisque c’est son métier…

Mère Elisabeth, considérée comme « vieille », se voit attribuer le block 17, plutôt envié et qui est réservé aux cheveux gris, aux infirmes et aux malades. En fait, ce que beaucoup ignorent, c’est que ce block regroupe celles qui sont destinées aux « transports noirs » puisque, avant que des chambres à gaz ne soient construites à Ravensbrück, les condamnées sont transportées en camion à Bernburg, près de Berlin, pour y être gazées. En attendant, elles doivent travailler. Mère Elisabeth se retrouve donc dans le commando des tricoteuses qui, douze heures par jour, restent assises sur des tabourets à exécuter cette tâche. L’immobilité leur donne des crampes, elle les empêche de se réchauffer un peu dans l’hiver glacial de l’Allemagne du nord, elle ne leur permet pas de lutter contre les parasites puisque leurs mains sont rivées aux aiguilles et qu’une « kapo » veille.

Mère Elisabeth a résisté à l’hiver 1944-1945 bien qu’elle partageât systématiquement sa ration avec plus faible qu’elle. Elle encourage et réconforte à l’occasion comme en témoigne Madame Lebourgeois (matricule 47 288) : « Une nuit, alors que tout dormait […] je me levais sans bruit pour me rendre au lavabo. Sans sommeil et avec un gros cafard, je voulais être seule […], pensant aux êtres chers arrêtés également- mon mari, ma fille, qu’étaient-ils devenus ? C’est là que je fus surprise en larmes par Mère Elisabeth de l’Eucharistie qui peut-être voulait faire comme moi, qui sait ? […] Elle entreprit de me consoler par les exhortations et la prière. J’écoutais avec bienveillance, ne voulant surtout pas lui faire de peine ; quand elle eut terminé, je la remerciai avec effusion et lui dit : Mère Elisabeth, je ne veux pas vous duper, je suis sans religion, donc sans croyance, mais je vous ai donné toute mon affection depuis Neue Brem.  Cette femme admirable a ouvert ses bras, je m’y suis blottie longtemps, voici textuellement ses mots : Alors nous serons sœurs d’âmes. Jamais je n’ai passé une journée sans embrasser Mère-Elisabeth. » (19.)

La Supérieure de la Compassion n’a de cesse en effet, disent unanimement celles qui en sont revenues, de rendre un peu moins atroces les conditions de vie de ses camarades de bagne. Dans « l’enfer des femmes », elle fait descendre un peu de Ciel. Geneviève de Gaulle en témoigne : « au service de tout le monde, même des plus ingrates, des plus difficiles de ses compagnes ; elle les réconforte, les soigne, les aide de toutes les façons et accomplit avec une parfaite sérénité les plus répugnantes corvées. » (20.) Oui, Ravensbrück n’est pas seulement un lieu où la cruauté des nazis (hommes et femmes) s’exprime sans retenue (un SS peut ordonner à une prisonnière d’en battre une autre pour la punir), il est aussi celui où les coups, le « chacun pour soi » peut prendre le dessus chez certaines détenues. Le simple fait, par exemple, que Mère Elisabeth partage sa maigre pitance sans faire acception des personnes n’est pas si courant : les solidarités, quand elles existent, sont souvent le fait de groupes qui partagent une nationalité, des affinités politiques, des amitiés, des liens familiaux. Madame Laroche, qui survivra à la déportation, est particulièrement émue le jour où la religieuse lui « donne une pomme de terre alors qu’elle n’est pas catholique ! » (21.)

C’est cette attitude non partisane qui explique sans doute que Ginette, militante communiste, se charge personnellement de faire régner l’ordre et le silence dans la chambrée quand, le dimanche à dix heures, Mère Elisabeth organise une liturgie avec chants et prières de l’office divin. Grâce à une camarade affectée au commando des douches, Madame Meyembourg, elle dispose en effet d’un missel dont elle se sert pour sa prière quotidienne et qu’elle utilise chaque dimanche, après l’office des Polonaises dont les chants murmurés sont d’une grande beauté dans cet univers où tout est laid. Mais les Françaises lui préfèrent celui de Mère Elisabeth parce qu’il leur rappelle la « douce France », « son clocher et ses maisons sages », même si les prières sont souvent interrompues par des « 22 » que les détenues chargées de faire le gué lancent à la moindre alerte. En effet, dans le monde concentrationnaire, il n’y a de place ni pour l’humanité ni pour la spiritualité. Il est donc interdit de posséder un objet personnel et, le jour où une détenue mourante a donné à Mère Elisabeth un crucifix, elle s’est empressée de le cacher car la punition réservée aux « voleuses » consiste à les rouer de coups, après les avoir forcées à se mettre nues. Organiser des offices religieux est tout aussi risqué car ils sont une forme de protestation et de rappel que, malgré le matricule et le déni de tout droit, les prisonnières restent des êtres humains. Sur un croquis réalisé par l’une d’elles et qui représente un moment de prière collective, certaines sont représentées à genoux.

Cela n’est-il pas excessif ? Ces femmes ne sont-elles pas déjà humiliées, leur corps n’est-il pas assez martyrisé ?

Mais peut-être se sentent-elles au contraire plus libres que jamais puisque cet acte est posé sans que les aboiements d’une gardienne les y obligent ? Peut-être, plus simplement, retrouvent-elles les habitudes rassurantes d’un monde qu’elles ont connu avant leur arrestation, où l’on prie à genoux…

Dans tous les camps de concentration, et Ravensbrück ne fait pas exception, de petits trafics s’organisent pour la survie des détenus. Mère Elisabeth prend part à ce type d’activités clandestines qui doivent lui rappeler ses années de résistance à Lyon. Avec Madame Meyenbourg, elle récupère des chaussures et des lainages « volés » aux douches puisque les déportées sont privées de leurs affaires et vêtements personnels à leur arrivée au camp. Un commando est alors chargé de faire le tri pour que ce qui est en bon état soit envoyé aux soldats à l’est ou à leurs familles. Léonie Meyenbourg, quand elle le peut, subtilise des objets qu’elle confie à Mère Elisabeth, avant le premier appel, à la faveur de l’obscurité. L’une comme l’autre, si elles sont démasquées, risquent le Strafblock ou « block disciplinaire » si redouté. Madame Lelong y a été incarcérée et, pour lui éviter une mort quasi certaine, Mère Elisabeth a conçu un stratagème. Avec la complicité d’une autre religieuse affectée à l’infirmerie du camp (Sr Marcelle Baverez très probablement), elle parvient à lui faire établir un faux carnet attestant la nécessité pour elle de suivre des séances de radiothérapie chaque semaine au Revier. C’est ainsi que Madame Lelong a pu s’oxygéner et voir le soleil, c’est ainsi qu’elle a pu faire quelques pas une fois par semaine alors que dans le Strafblock surpeuplé il est presque impossible de se déplacer.

Jusqu’à l’été 1943, Ravensbrück est dépourvu de « Revier » : une simple salle sert alors d’infirmerie où l’on pratique « quelques interventions chirurgicales fantaisistes » (22.). Herta Oberheuser, quand elle sera jugée à Nuremberg pour « crime de guerre et crime contre l’humanité » expliquera pour se justifier qu’elle a choisi de travailler à Ravensbrück dès 1940 (à l’âge de vingt-neuf ans) parce qu’à cette époque en Allemagne il était presque impossible pour une femme d’intégrer un service de chirurgie. Sous la supervision du Dr Gebhardt, elle multiplie les expériences sur les « lapins », procède à des avortements quand ils sont encore possibles, tue ou fait tuer les bébés à la naissance, achève les malades ou les sélectionne pour les « transports noirs » qui conduisent à la chambre à gaz. Mais à partir de 1943 le nombre de déportées est tel que l’on manque de personnel médical et Ravensbrück recrute, dans la bourgeoisie allemande, médecins et infirmières qui, sans état d’âme, prêtent main forte aux deux médecins dans ce qui est désormais un Revier, une « infirmerie ». Il arrive aussi que des détenues y travaillent, comme ce fut le cas de Sœur Marcelle Baverez qui, avant son arrestation comme résistante en août 1943, était radiologue à l’hôpital Saint-Jacques à Besançon. Quand Mère Elisabeth arrive à Ravensbrück en juillet 1944, Sœur Marcelle est là depuis janvier et s’efforce de soigner au mieux les détenues qui échouent au Revier car celui-ci peut, parfois, jouer pleinement son rôle d’infirmerie. Ayant une bonne connaissance de la langue allemande, Sœur Marcelle épie les conversations des médecins qui parlent à l’occasion de la situation sur le front. Elle les répète ensuite à Mère Elisabeth qui va les dire à ses camarades pour les encourager à « tenir », quitte à enjoliver un peu les faits. C’est ainsi qu’elle confie un jour à Andrée Paysan (qu’elle connaît depuis Montluc) : « Ma pauvre fille, comment le Bon-Dieu va-t-il pouvoir me pardonner tous ces mensonges ? » (23.) Mais en décembre 1944, plus de « mensonges » à raconter : sœur Marcelle est morte. Elle avait quarante- cinq ans et on imagine la douleur de Mère Elisabeth.

Celle-ci pourtant ne considère pas que Ravensbrück aura le dernier mot puisqu’elle déclare à deux amies (Madame Lelong et Madame Minssieux) qu’elle compte bien, après la guerre, participer à la reconstruction du pays. Elle veut aussi développer son œuvre en Algérie. Elle fera construire une chapelle en mémoire de toutes les femmes assassinées dans le camp. Elle emportera avec elle le missel et le crucifix du camp. Et elle compte associer ses amies à tous ces projets. Ce sont elles, d’ailleurs, qui rapporteront ces discussions et témoigneront à leur retour en France des qualités de cette « grande française » : intelligence exceptionnelle, âme de chef. (24.)

L’hiver 1944-1945 correspond, pour Ravensbrück, au début du chaos : les camps de Pologne orientale sont évacués devant la progression de l’Armée rouge et, avec Bergen-Belsen, une partie des déportées d’Auschwitz y sont « déversées », dont Madame Vaillant-Couturier qui témoignera au procès de Nuremberg. L’affluence est telle que les blocks sont surpeuplés, qu’il est presque impossible de trouver un coin pour dormir. Les conditions sanitaires deviennent effrayantes. Deux catégories de prisonnières apparaissent : les robes rayées et « le reste », c’est-à-dire le sous-prolétariat vêtu de loques marquées d’une croix peinte dans le dos. Les rations alimentaires sont encore réduites et les « hallucinées de la faim » déambulent, le ventre gonflé, à la recherche d’un hypothétique reste de nourriture. La mortalité s’accélère et un deuxième crématoire est construit.

Les sélections pour la chambre à gaz se multiplient. Il s’agit, pour les SS, de terminer le travail d’extermination interrompu par la libération d’Auschwitz en janvier 1945 (ce sera le cas pour les juives de Hongrie qui arrivent dans un état effroyable) mais aussi de faire disparaître les traces de leur barbarie en sélectionnant en priorité les « lapins » qui se cachent ou sont cachés car il reste encore un peu de solidarité dans cet enfer.

Le 25 mars 1945, c’est le dimanche des Rameaux et, un an jour après son arrestation à Lyon, Mère Elisabeth est arrachée du rang pour rejoindre le Jugendlager. Destiné à l’origine aux détenues mineures allemandes, il est implanté sur une hauteur, au milieu des pins, à un kilomètre environ du grand camp. Il servira désormais d’antichambre de la mort pour celles qui doivent disparaître au plus vite. Les femmes sélectionnées y sont transportées en camion et à celles qui ne veulent pas monter on tend des morceaux de pain pour les attirer avant de les leur reprendre aussitôt. Une fois arrivées, les condamnées sont revêtues d’une légère robe de cotonnade destinée sans doute à précipiter leur mort par le froid. Elles doivent encore travailler, ce qui entretient en elle l’espoir de ne pas être retenues pour la chambre à gaz au moment de la « visite médicale » où le docteur Winkelmann, procède à un tri macabre. Les détenues doivent alors relever leurs robes pour qu’il puisse évaluer l’état de leurs jambes et repérer celles qui sont marquées par l’œdème de la faim. Mère Elisabeth est sélectionnée une nouvelle fois et on la conduit au block 6 où, là encore (par pur sadisme ou pour s’assurer de la bonne tenue des femmes qui peuvent encore espérer échapper au pire ?) une visite médicale est prévue : à gauche, les condamnées, à droite, les épargnées, en attendant la prochaine sélection.

Le Vendredi Saint, 30 mars 1945, les femmes sélectionnées la veille sont installées dans des camions qui les emmènent à la chambre à gaz. Parmi elles, le matricule 46 921, Mère Elisabeth de l’Eucharistie, dont plusieurs témoins affirmeront qu’elle a rejoint volontairement la colonne de gauche pour ne pas abandonner Mademoiselle Rose qu’elle rassurait déjà à Romainville et qui avait été « retenue » par le médecin de la mort. Les derniers mots de la religieuse, confiés à Madame Combes en ces minutes dramatiques furent : « Je pars pour le Ciel. Prévenez Lyon. » (25.) Ultime manière pour elle de communiquer de l’espoir à celle qui, en effet, en reviendra ?

Oui, ce vendredi 30 mars 1945, le commandant Suhren avait bien autre chose à faire que de recevoir un représentant de la Croix Rouge dont la Ford blanche stationne devant la porte du camp sous une pluie battante. Il s’appliquait à faire perdurer l’enfer de Ravensbrück, à faire disparaître les traces de ses crimes.

Lorsque ses camarades rescapées rentrèrent en France, elles se hâtèrent de rendre témoignage à celle qu’elles considéraient comme « l’âme du camp ». Le gouvernement français, dont le Général de Gaulle était alors le chef, lui décerna à titre posthume la Croix de Guerre avec étoile en novembre 1945. La municipalité de Lyon, de nouveau dirigée par Edouard Herriot, inaugura une plaque commémorative au pied du théâtre de Fourvière, pour rappeler aux passants qu’elle fut résistante et déportée, « martyre de sa foi patriotique et religieuse ». En 1961, une cérémonie du souvenir fut organisée à Draria et un timbre fut édité à son effigie. Trente ans plus tard, en 1991, le cardinal Decourtray introduisait son procès en béatification. Une rue porte désormais son nom à Brignais et au Point-du-Jour. Un parc également, dans le 5è arrondissement de Lyon. Enfin, elle reçut la médaille des « Justes parmi les Nations » en 1996 et depuis lors, dans le jardin du mémorial Yad Vashem à Jérusalem un arbre se déploie pour rappeler celle qui, dans la pire tourmente que l’Europe et la France connurent au XXè siècle, se fit « la gardienne de ses frères ».

Marie-Christine Devedeux

  1. Germaine TILLION, Ravensbrück, Paris, Seuil, 1988.
  2. C’est ce qui est arrivé à Wanda Poltawska qui survivra à ces expériences et deviendra médecin psychiatre. Elle fut la « Sœur » de cœur et conseillère de Karol Wojtyla pendant près de soixante ans.
  3. Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ, « Voix et Visages », mai-juin 1961.
  4. André CHAGNY, Une héroïne chrétienne : Mère Elisabeth de l’Eucharistie.
  5. BERTHOD et R. LADOUS, Le cardinal Gerlier, Collection « Hommes et Régions », Lyon, 1995.
  6. CHOLVY et Y-M. HILAIRE, Histoire religieuse de la France contemporaine, tome 2, Privat, 1986.
  7. CHAUVY, Lyon 40-44, Payot, 1993.
  8. Cité par F. DELPECH, « La persécution des Juifs et l’Amitié chrétienne », Eglises et chrétiens dans la Seconde Guerre mondiale, P.U.L. 1978.
  9. COLLINS WEITZ, Les combattantes de l’ombre. Histoire des femmes dans la Résistance. Albin Michel, 1996.
  10. Béatrix de TOULOUSE-LAUTREX, J’ai eu vingt ans à Ravensbrück, Paris, Perrin, 1991.
  11. Témoignage Suzanne BINETRUY (réseau Navarre), Archives congrégation.
  12. Andrée RIVIERE-PAYSAN, citée par l’abbé Robert de PAZANAN, Une page d’Histoire religieuse dans l’Eglise à Lyon.
  13. Béatrix de TOULOUSE-LAUTREX, J’ai eu vingt ans à Ravensbrück, Paris, Perrin, 1991.
  14. Germaine TILLION, Ravensbrück, Paris, Seuil, 1988.
  15. Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ, témoignage enregistré par M. et Mme COMTE (6-01-1995).
  16. Témoignage Suzanne BINETRUY, L’essor du Rhône, n° 2219, 5 mai 1989.
  17. Béatrix de TOULOUSE-LAUTREX, J’ai eu vingt ans à Ravensbrück, Paris, Perrin, 1991.
  18. Témoignage Marcelle LEBOURGEOIS, Archives Congrégation.
  19. Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ, « Voix et Visages », mai-juin 1961
  20. Témoignage Mme LAROCHE, L’essor du Rhône, n° 2219, 5 mai 1989
  21. Germaine TILLION, Ravensbrück, Paris, Seuil, 1988.
  22. Andrée RIVIERE-PAYSAN, citée par Madame COMTE, Une religieuse dans la Résistance, Elise Rivet, morte à Ravensbrück, Association culturelle des sanctuaires St Irénée-St Just, 1995.
  23. Témoignage Mme MINSSIEUX, Archives Congrégation.
  24. Témoignage Mme COMBES, Archives congrégation.