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Élever quelqu’un c’est d’abord l’élever à ses propres yeux.

Simone Weil

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Élever quelqu’un c’est d’abord l’élever à ses propres yeux.

Simone Weil

Eve Guerra reçoit le Prix Goncourt du premier roman !

Eve Guerra, arrivée en septembre 2021 à La Verpillière comme professeur de lettres classiques, a reçu cette année le Prix Goncourt du premier roman pour son livre Rapatriement. Publié par les éditions Grasset en janvier dernier, son livre avait déjà été remarqué par le magazine Transfuge, qui lui avait aussi décerné le titre de meilleur premier roman.

Un grand bravo à Eve qui nous livre ses premiers retour suite à ce prix.

Quelle est la genèse de votre roman, comment l’idée est-elle née ?

Rapatriement naît dans un sentiment d’un double échec, l’échec d’un premier roman inabouti et abandonné sur la guerre civile au Congo Brazzaville et l’enlisement dans une vie qui se délite et où l’on étire à l’infini un deuil inconsolable. Dès lors, il m’a fallu comprendre, faire l’autopsie de ce désastre. L’écriture de ce livre naît d’un sentiment de colère, en même temps que d’une désillusion : ces deux sentiments traversent le livre. Mais je crois que Rapatriement pose trois questions, assez prétentieuses, mais qu’il m’était nécessaire de démêler avant d’entrer dans ‘l’âge de Raison’ : sommes-nous véritablement libres ou au contraire enracinés à un paysage, à un lieu de naissance, à une famille ? A quoi sert la littérature ? Comment devient-on écrivain ?

Rapatriement y répond par les moyens de la littérature, qui ne sont pas ceux de la démonstration, mais au contraire une peinture des âmes. Par ce personnage d’Annabella, j’ai voulu montrer la déchéance, la déréliction d’un être et la destruction de son ego qui, seules, rendent possible son salut. Annabella échoue en tout, et c’est ce qui la sauvera, parce qu’elle est à présent dépourvue d’orgueil.

Votre écriture a-t-elle été influencée par d’autres auteurs ?

Comme tous les romans, il y a les dieux cachés et ceux que l’on exhibe. Les dieux cachés de Rapatriement sont les auteurs que j’admire et je relis, influencent inévitablement mon rapport à la littérature, font que je préfère l’aventure de la langue à celle de l’intrigue : Proust, d’abord, a offert la structure de la vocation littéraire et tous les passages sur la mémoire ; Antonio Lobo Antunes, ensuite, a donné l’énergie déstructurée de la phrase ; Pierre Michon, enfin, la tension entre doute et prétention, et il a inspiré la figure du père, colon déclassé, à l’image de l’André Dufourneau des Vies minuscules. Je serais trop injuste si je ne citais pas Simone Weil et ses lettres Père Perrin, pour la réflexion sur le malheur ; Samuel Beckett, pour le burlesque ; et Simone de Beauvoir, pour le lien entre littérature et transmission.

Avez-vous d’autres projets de livres ?

Je reprends un projet abandonné. Je ne peux rien dire parce que, quand on parle trop d’un livre, on ne l’écrit plus.

Comment réagissez-vous à l’annonce de ce prix ?

J’étais très heureuse d’apprendre la nouvelle. Des propositions de traduction sont arrivées, qui ne gâchent pas ce bonheur. Pour l’heure, je suis assez occupée à relire Rapatriement pour le passage en poche. Je ne réalise pas vraiment, d’autant plus que Rapatriement l’aurait emporté une écrasante majorité. Il me tarde néanmoins d’être plus tranquille et de retrouver mes livres.

Résumé : Annabella Morelli, vingt-trois ans, habite dans le Vieux Lyon, loin du Congo-Brazzaville où elle est née. Elle est étudiante, amoureuse et se rêve poétesse. Ses parents : un ouvrier franco-italien exilé en Afrique ; une villageoise congolaise, devenue mère trop jeune. De son enfance, Annabella se rappelle l’odeur du karité, les danses endiablées et les éclats de rire. Jusqu’au Noël de ses sept ans où la colère de son père explose et sa mère quitte le domicile familial : Annabella grandit vite, dans l’ombre de son père et de ses excès.

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