Témoignage d’Elisa Devoux promotion 2016
Je m’appelle Elisa Devoux et je suis actuellement étudiante en philosophie à l’Ecole Normale supérieure de Lyon. Pour la petite histoire, j’ai choisi les Maristes après que la directrice des prépas, Madame Barbier, est venue témoigner dans mon lycée de province. Je ne savais pas à quoi m’attendre et j’y suis entrée avec beaucoup d’appréhension. Je pensais ne pas être à la hauteur en comparaison avec les élèves de grands lycées lyonnais qui venaient d’un milieu culturel favorisé. En quelques jours j’ai compris que j’étais entourée de personnes aussi paumées et déboussolées que moi, et les anciens ont fait beaucoup pour instaurer une bonne ambiance. J’ai cubé et fus admissible à l’ENS. Malgré mon échec aux oraux, j’ai pu entrer sur dossier comme auditrice libre.
Je suis donc restée trois ans aux Maristes, de 2013 à 2016. J’étais en spécialité philosophie. J’ai adoré l’hypokhâgne, pour la liberté que l’on avait dans l’apprentissage, l’absence de pression due aux concours. J’ai énormément appris cette année-là et grandi. Ma première khâgne a été plus dure, parce qu’il faut encore grandir et faire un saut qualitatif pour parvenir au niveau demandé. La charge de travail était plus lourde. Mais finalement ça a été une année charnière pour moi, puisque sans m’en rendre compte je suis devenue plus efficace dans mon travail et j’ai appris à gérer la pression. Enfin, mon année de cube a été un moment d’épanouissement, malgré les moments difficiles. J’ai trouvé le bon équilibre entre travail et loisirs, je me suis remise à faire du sport, j’ai appris à trouver du plaisir dans les programmes que l’on nous imposait.
Au fond, la prépa est un condensé de vie. Tout ce que vous vivrez en prépa, vous le retrouverez au cours de votre vie, à cette différence près que tout n’arrivera pas en même temps. Ce qu’il m’en reste ? Le savoir-faire d’abord. Tout le travail que je fournis aujourd’hui se fonde sur les connaissances et la méthode de travail que j’ai acquises en prépa. Sur un plan humain, j’y ai rencontré de nombreuses personnes, dont certaines sont devenus des amis ; pour les autres, ce sont des connaissances que j’ai toujours plaisir à retrouver. Une fois sorti de la prépa, on ne devient pas pour autant un inconnu : je vois encore d’anciens professeurs, je vais à certaines soirées organisées par les actuels khâgneux, je suis intégrée au réseau des anciens de la prépa. Ces années m’ont formée sur le plan humain aussi bien qu’intellectuel. Elles m’ont permis de canaliser mon énergie, d’apprendre à réfléchir, elles m’ont ouverte à des auteurs et des matières vers lesquels je ne serais pas allée avant. Elles ont élargi mon horizon. Avec le recul, on ne garde que le meilleur et on se rend compte de tout ce qu’on a gagné en prépa. Il ne faut pas avoir peur de se lancer. Si ce n’est finalement pas ce qui vous correspond, même une année d’hypokhâgne sera bénéfique pour la suite de votre parcours post-bac.
Témoignage de Raoul de Pothuau promotion 2016
Je m’appelle Raoul Guilhem de Pothuau, j’étais au lycée chez les Maristes en section littéraire avant d’y suivre les cours de préparation à l’ENS. J’avoue ne pas avoir choisi cette voie dans la perspective d’intégrer Normale Sup et ensuite devenir enseignant ou chercheur. L’enseignement est certes demeuré tout au long des deux années de prépa une option envisageable, tant suivre l’exemple donné par des professeurs enthousiastes était séduisant. Finalement, je me suis dirigé vers un tout autre métier, ayant eu la chance d’intégrer l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr à l’issue de ma khâgne. Par ailleurs, je suis aujourd’hui en double master à Sciences-Po Paris.
Synthétiser en quelques lignes tout ce qui a été vécu et appris pendant ces deux années d’hypokhâgne et de khâgne chez les Maristes est une entreprise ardue. On pense d’abord à la richesse de l’enseignement. Généralement, c’est ce que l’on vient chercher lorsque l’on s’oriente sur cette voie des études littéraires. Personnellement, c’est la possibilité d’étudier aussi bien la littérature que la géographie ou la philo qui m’a déterminé dans mon choix à la fin du lycée. De ce point de vue, l’hypokhâgne laisse une bien plus grande liberté que la fac, ce qui se paie en revanche sur le plan de l’assiduité et de l’engagement dans les études. La pluralité de l’enseignement est renforcée par les options en hypokhâgne, puis en khâgne par les spécialités. J’avais choisi l’option grec débutant, en complément du latin, obligatoire lui, et au détriment de l’Allemand que j’étudiais pourtant depuis le collège. Malgré un volume horaire plus conséquent et un travail personnel important, cette option s’est avérée être une des plus belles découvertes faites dans ces deux années. Associé au latin, le grec ancien est une véritable clef, un outil essentiel pour décortiquer et comprendre les mots que l’on rencontre aussi bien dans des études militaires que politiques. En Khâgne, j’ai préféré à l’anglais le latin comme première langue. J’ai opté pour la spécialité Histoire pour plusieurs raisons. D’abord par affinité avec la matière, ce qui est primordial, ensuite sur recommandation des professeurs, et enfin dans la perspective d’entrer à Saint-Cyr, école qui ne peut être présentée qu’à partir d’une spécialité Histoire-Géographie.
Bien entendu, lorsque sont évoquées les années de prépa, on pense tout de suite à deux années de travail soutenu. Les exigences de ces classes vous suivent même pendant l’été. Évidemment, le rythme est soutenable, il s’agit de s’y adapter : j’ai pu en parallèle continuer le scoutisme et me préparer aux épreuves spécifiques à Saint-Cyr. S’engager sur cette voie demande de revoir certaines de ses priorités et d’accepter la remise en question. Pour ma part, être confronté à plusieurs reprises à des échecs ou des impasses m’a énormément fait grandir, et ce grâce notamment à l’accompagnement clairvoyant et attentif des responsables éducatifs et de nos professeurs. J’oublierai l’essentiel si je n’évoquais pas l’accompagnement spirituel et humain des membres de la pastorale du lycée, membres qui ont été également un appui précieux pendant ces années.
Mentionner la pastorale me mène naturellement vers un autre point fort des Maristes, à savoir leur volonté d’accompagner des lycéens pour en faire des adultes libres et responsables. Cet attachement au développement personnel des élèves est bien plus fort l’obtention de résultats excellents aux concours. Du reste, la « maison » parvient à lier les deux. Témoin de cette heureuse alchimie, l’excellente entente qui régnait dans la classe, où l’entraide et l’amitié parvenaient à colorer même les plus ternes des jours de l’hiver.
Ces deux années ont donc été exceptionnelles par l’austérité de la besogne mais aussi et surtout par les découvertes intellectuelles et la joie d’être ensemble dans le cadre extraordinaire des bâtiments des Maristes : existe-t-il une plus belle récompense au fait d’être en salle de cours de 8h à 22h que de voir depuis les hauteurs des Maristes se lever et se coucher le soleil sur la ville et le Mont-Blanc ?
On se rend compte des bénéfices de quelque chose lorsque l’on en est éloigné. Pour ma part j’ai pris conscience de la très grande valeur de l’enseignement une fois à Saint-Cyr et plus encore à Sciences-Po. Bien entendu, je n’ai pas souvent l’occasion de « rentabiliser » mes connaissances sur les mérovingiens ou les maximes de Ménandre. Cependant, l’étude des humanités ouvre sur une compréhension plus large de la réalité, plus fine aussi, et permet de prendre un véritable recul. En termes de « bagage », je suis donc parti de Sainte Marie avec sous le bras des méthodes d’apprentissage, de travail et d’organisation que je n’aurais pas eu l’occasion de recevoir ailleurs.
En somme, ces deux années ont été précieuses, très précieuses, et je ne pense pas me tromper en avançant que chacun de mes camarades de classe en garde une certaine nostalgie, du moins ressent de la gratitude pour tout ce qu’elles nous ont apporté.
Témoignage de Jean-Guillaume Bazaille promotion 2015
Je m’appelle Jean-Guillaume Bazaille, j’ai vingt-trois ans et suis actuellement un cursus Grande École à Audencia Business School, à Nantes. J’effectue en ce moment même un stage au Canada avant de suivre un master dans le management culturel et artistique.
Ce ne serait certainement pas loin de la vérité que de dire que je suis un pur produit mariste ! J’y ai en effet passé douze années de ma petite vie, les deux dernières concernant ma prépa littéraire où j’ai suivi l’option Histoire Géographie.
Une promotion de littéraires me fait l’effet d’un équipage sur un des navires de Christophe Colomb : le voyage est long, personne ne sait vraiment où l’on va et l’on tourne en rond sur le pont en se demandant souvent ce que on est venu faire dans cette galère. Forcé de cohabiter avec des gens très différents, on se découvre des petits plaisirs, des petites joies quotidiennes et de grosses rigolades qui font finalement passer les mois. Puis on finit par trouver son rythme, fatigué mais fier de faire partie de cette aventure et de se savoir capable de la mener jusqu’au bout. Et un matin, l’horizon est à portée de la main.
Plusieurs points forts me restent de ces deux années exceptionnelles.
La première sensation qui m’a marqué devra être l’admiration. Admiration d’abord devant mes professeurs et l’étendue de leur connaissance : jamais une hésitation, jamais un oubli, jamais une question sans réponse. La charge de travail que chacun fournissait pour nous former au mieux au concours forçait le respect de toute ma promotion ! Admiration aussi devant tous ces livres, tous ces auteurs, tous ces noms, toutes ces merveilles enfin que j’ai pu toucher du doigt. Nourrir continuellement et passionnément sa curiosité est un des grands bonheurs d’une classe préparatoire littéraire. Toute question trouve sa réponse, et toute réponse entraine une question !
J’ai découvert, grâce à la patience de mes professeurs, des auteurs qui m’accompagnent aujourd’hui encore et m’aident à appréhender le monde : Georges Duby, Wordsworth, Cicéron, Roland Barthes, Paul Valéry… Ce qui m’amène à mentionner le troisième point fort que m’ont laissé ces deux années : le respect du savoir. J’ai appris à respecter les livres et les pensées qui ne sont pas les miennes. J’ai appris qu’il faut toujours en apprendre plus avant de se prononcer et que ceux qui consacrent leur vie à l’étude et la recherche méritent le plus grand des respects. J’ai appris que l’on peut lire le moindre grain de sable avec des notions de poésie, de géographie, d’Histoire… Loin de moi l’idée de faire des phrases grandiloquentes : les Maristes m’ont réellement laissé avec un état d’esprit nouveau, un regard enjoué et riche que je pose sur le monde.
La classe préparatoire mariste, c’est aussi être confronté à des idées que l’on n’a probablement pas l’occasion d’entendre ailleurs. Raison de plus pour accepter d’apprendre, de sortir de sa zone de confort et de refuser les idées reçues. Nous avons par exemple eu l’occasion d’aller tous ensemble dans un monastère pour des retraites de classe. Outre la pause bien méritée que nous nous accordions alors, c’était l’occasion pour chacun de se confronter à des notions parfois inconnues comme la foi, la religion, le recueillement et la méditation. Il va sans dire que personne n’a jamais été incommodé pour ses idées, son mode de vie et ses opinions. Il nous est simplement donné l’opportunité de découvrir. Je suis pour ma part parti en école de commerce avec un grand respect pour le fait religieux. Or, dans mon nouveau domaine tout entier tourné vers le fait mathématique, la statistique et la mesure, emporter une petite idée de l’infini et de l’incompréhensible ne peut être que salutaire !
Un autre point que je voudrai transmettre de mon expérience de khâgneux est la confiance que mes enseignants m’ont inspirée. Ce sont tous des professeurs passionnés qui voient passer des centaines d’élèves, pourtant le soin et la prévenance qu’ils accordent à chacun d’entre nous prouve qu’ils veulent vraiment notre réussite. Par exemple : à l’issue de ma khâgne j’étais naturellement assez inquiet pour mon avenir. Sous-admissible au concours, je croyais que la meilleure chose à faire était de rempiler pour une année supplémentaire. Mais mes professeurs et notre préfet m’ont poussé à tenter quelque chose pour laquelle je n’étais pas préparé et m’ont encouragé à faire un changement radical dans ma formation. Ils n’ont pas hésité à me dire que ma place n’était plus ici, et j’ai réalisé depuis que c’était pour mon bien.
Je voudrais terminer en affirmant que même si ces deux années nécessitent une charge de travail imposante et un engagement personnel sincère, on en sort vraiment grandi. Depuis que je suis en école de commerce, j’ai eu de très nombreuses occasions de constater que loin de constituer un désavantage, ma formation littéraire me rend en réalité plus apte. Elle m’a notamment apporté des capacités de travail, des goûts et des méthodes qui me distinguent du reste de mes camarades. Nous avons tous fait une classe préparatoire dans mon école de commerce ; mais le cursus littéraire me rend plus habile à mener un projet à l’oral comme à l’écrit, ou à appréhender des enjeux marketing, comptables et financiers avec un œil original… Une singularité dont je suis fier!
Témoignage de Martin Richaud promotion 2015
En septembre 2013, j’ai intégré la classe préparatoire littéraire des Maristes. Je connaissais déjà bien la « maison » puisque j’y avais effectué l’intégralité de mon collège puis de mon lycée. J’avais choisi au cours de ma classe de Terminale littéraire d’intégrer une classe préparatoire afin de bénéficier d’une formation d’excellence, exigeante, et pluraliste. Les premières semaines de classe préparatoire constituent une expérience marquante. Les exigences en vigueur en terminale, en juin, sont démultipliées en septembre et le changement s’avère brutal. Il est bien sûr abrupt en termes de rythme, d’intensité de travail, mais aussi en termes de richesse intellectuelle, de qualité de l’apprentissage.
Avec du recul, je suis convaincu que le cadre offert par les Maristes eut une influence majeure sur mon épanouissement en classe préparatoire. Je mangeais le midi et le soir au réfectoire de l’école ce qui me permettait de ne pas perdre de temps dans les rayons du supermarché, et de consacrer mon temps libre à faire du sport, prépondérant dans mon épanouissement. La bibliothèque des Maristes, ouverte jusqu’à 22h, constitue un cadre exceptionnel pour travailler. Elle permet aussi d’avoir ses amis et ses camarades de classe à proximité en cas de difficulté et de doutes. J’avais fait le choix de ne travailler qu’au sein de l’école afin de profiter de la stimulation intellectuelle et de l’émulation de groupe. Nous quittions l’enceinte de l’école tard, bien sûr, mais avec la certitude de ne pas avoir à se remettre face à son bureau lorsque nous rentrions chez nous.
Progressivement, le rythme s’acquiert et les semaines passées avec ses camarades permettent de créer une émulation indispensable. Je n’ai pas connu au sein de mes deux années de classe préparatoire un seul moment de compétition néfaste. J’ai pu m’appuyer sur cette solidarité, sur la mise en place de groupes de travail, d’un parrain parmi les élèves de Khâgne, pour m’adapter à la difficulté des exigences, progresser.
L’année de Khâgne est bien différente de celle d’Hypokhâgne. Plus courte, elle est dictée par l’échéance du concours. J’ai intégré la spécialité Histoire-Géographie. Une relation très forte s’établit entre les élèves et les professeurs qui mettent autant d’ardeur que nous, étudiants, à ce que le concours soit une réussite. Leur investissement me poussait à m’investir d’autant plus afin de ne pas les décevoir. Ils ne comptent pas leurs heures pour nous aider scolairement et humainement, puisque la quasi-intégralité des professeurs s’était déjà trouvée dans notre situation. Chez les Maristes, la solidarité est présente non seulement entre élèves, mais aussi avec l’ensemble du corps professoral, et même du personnel administratif. Cela permet d’aborder le concours dans les meilleures conditions scolaires et psychologiques. Avec plusieurs camarades, nous souhaitions passer les concours des écoles intégrées à la BEL. Nous avons été aidés et préparés pour les oraux d’admission alors que le concours de l’ENS requiert déjà un investissement prépondérant.
Grâce à cette préparation parallèle et à mes résultats aux épreuves de l’ENS, j’ai pu intégrer Sciences Po Lille en quatrième année. Le changement total de rythme, de relations avec les professeurs, s’avère alors déroutant. Je n’ai jamais retrouvé la stimulation intellectuellement offerte en classe préparatoire au cours de mon parcours scolaire. Actuellement en stage de fin d’études au sein d’un cabinet d’intelligence économique, je vois bien que l’expérience accumulée en classe préparatoire n’est pas seulement valable dans un cadre académique. Je peux m’appuyer sur une capacité à supporter une charge de travail importante sans me retrouver débordé. Je bénéficie quotidiennement de la variété de ma culture générale, au regard des thématiques traitées mais aussi des clients rencontrés, de l’aisance dans la rédaction transposée des devoirs sur table aux rapports professionnels.
Même si la formule semble un peu convenue, je crois fermement que la classe préparatoire est une formidable école de la vie. J’ai gardé des liens forts avec beaucoup de personnes rencontrées en classe préparatoire. J’ai appris à me connaître, à connaître mes aptitudes, mes motivations, et à définir ce qui compte pour moi.
Témoignage des parents de Jean Peytou admis à l’ENS Lyon en juillet 2013
« Nous tenions à vous remercier, ainsi que tous les professeurs d’hypokhâgne et de khâgne, pour les trois années que Jean a passées en classe préparatoire à Sainte-Marie.
Bien sûr, nous sommes heureux de sa réussite au concours, mais notre lettre aurait été la même s’il avait échoué.
Ce que nous recherchions en l’inscrivant ici plutôt que dans d’autres lycées, nous l’avons pleinement trouvé : une solide formation intellectuelle mais aussi une formation humaine et spirituelle. Nous avons apprécié l’esprit qui régnait dans les classes, les amitiés nouées, la solidarité et l’entraide entre les étudiants. Nous sommes admiratifs devant les professeurs, si attentifs à leurs élèves, passionnés, ne comptant pas leurs heures et donnant l’exemple d’adultes engagés et sereins.
Nous savons que Jean a beaucoup reçu pendant ces années et espérons qu’il saura donner à son tour. Nous vous demandons de transmettre ce message et nos remerciements sincères à chacun des professeurs. »
Témoignage d’Hadrien Rhonat promotion 2008
Je travaille pour le groupe britannique Rolls-Royce, société internationale qui conçoit, fabrique et assure la maintenance de moteurs d’avions civils et militaires. Je travaille aujourd’hui au plus près de l’Armée de l’Air française et de plusieurs ministères de la défense. Rien a priori ne prédisposait un ancien élève de classe préparatoire littéraire (option Philosophie), puis de Sciences Po Paris, à s’aventurer dans ce monde d’ingénieurs et de militaires. Dans mon travail pourtant, je retrouve l’enjeu permanent d’éviter les incompréhensions entre ingénieurs et commerciaux, entre civils et militaires, entre interlocuteurs anglo-saxons, méditerranéens et arabes. Mon métier m’amène donc à considérer un flot de questions inattendues, de sujet nouveaux aux implications techniques, juridiques et relationnelles très variées.
Ancien collégien de Sainte-Marie Lyon, c’est en classe de troisième que j’ai pris la décision de m’orienter vers les classes préparatoires littéraires. Mon atterrissage en classe préparatoire s’est fait en douceur. La continuité était grande, en effet, entre ce qui nous était demandé en Terminale L chez les Maristes et les premières semaines de l’hypokhâgne : l’objectif était plus ambitieux, les matières plus nombreuses et les professeurs plus exigeants, mais l’effort demandé s’orientait dans la même direction.
Dans les premiers temps, je réussis par accident, comme chacun d’entre nous, à tirer une flèche ou deux plus près du mille, mais il m’a fallu plusieurs mois pour prendre la pleine mesure de ce que nos professeurs voulaient de nous : progresser continûment jusqu’à fournir du bon travail. La classe préparatoire fut pour notre promotion le creuset d’amitiés très fortes, dont nous vivons encore aujourd’hui. En plus de cela, ces années m’ont donné une expérience inédite du travail : l’hypokhâgne est l’endroit où un exercice, quel qu’il soit, trouve en lui-même sa valeur et sa récompense. Pas de salaire ni de publication.
Deux sobriquets reçus de nos professeurs illustrent les deux aspects de ce que nous sommes devenus en Khâgne. D’un côté, des « Marines de la dissertation », étudiants endurants capables de concourir sans pause ni relâchement. D’un autre, « les derniers mandarins », soucieux du bon usage et fiers de nous considérer comme les champions de l’écrit. De ces années aussi, et de ma spécialité philosophie en particulier, la méthode est restée. Porter son attention sur ce qui est dit, trouver les éléments dans lesquels se résout un problème complexe pour adopter une position claire et en dégager une réponse ferme et personnelle : ces outils m’ont été précieux dans la poursuite de mes études et le début de ma vie professionnelle, mais aussi dans bien des aspects de ma vie personnelle.
Après avoir frappé deux fois sans succès aux portes de l’Ecole Normale Supérieure, je suis entré en Master en Lettres Modernes à l’Université Lyon III. Peu d’heures de cours, un mémoire de recherche sur la question du snobisme dans Le Temps retrouvé de Marcel Proust, et de menus travaux passionnants : Don Juan et les femmes, le sublime chez Descartes, l’insulte chez Bloy… J’y ai passé une année réjouissante de liberté, à découvrir le monde universitaire et à réinvestir une grande capacité de travail exercée en classe préparatoire dans des sujets aussi divers qu’enthousiasmants. Ce fut aussi l’occasion de comprendre que je ne souhaitais pas poursuivre dans cette voie.
Ainsi, après un retour chez les Maristes pour quelques mois de préparation, j’ai intégré le Master d’Affaires Publiques de Sciences Po Paris à l’automne 2010, dans le but d’entrer dans la haute fonction publique. Cet établissement m’a permis de mieux connaître le monde professionnel au travers de stages à Saint-Cyr Coëtquidan comme Elève-Officier, à l’Ambassade de France à Londres auprès de l’Attaché de Défense puis à Belgrade auprès de l’Ambassadeur, puis avec une année de Master 2 en apprentissage, à la direction des Affaires Publiques d’EADS, qui a pleinement joué son rôle de tremplin vers le monde du travail.
Je voyais ces expériences professionnelles comme le pendant nécessaire d’un premier cycle d’étude à dominante académique, ces « Humanités » auxquelles je dois tant. J’ai découvert avec bonheur que ce qu’on cultive en classe préparatoire trouve largement à s’appliquer dans la vie professionnelle. Mon professeur de philosophie, que j’avais interrogé sur les perspectives que nous ouvrait l’hypokhâgne, me dit que nous avions tous reçu une boite à outils qui permettrait à chacun de construire son avenir. Il devait avoir raison. Chacun d’entre nous, a choisi sa propre voie depuis, pour y rencontrer des succès et beaucoup de joies. Cette boîte à outils m’a beaucoup servi quand j’ai cherché, à la fin de mes études, quelle voie avait du sens pour moi et me sert encore, quand il en est besoin, à rassembler mon cheval et donner du sens à mon travail.
Témoignage d’Antoine Beauchamp promotion 2008
Je m’appelle Antoine Beauchamp, j’ai bientôt 31 ans, je suis reporter pour « La Méthode scientifique », une émission quotidienne d’une heure entre 16h et 17h, dédiée à toutes les sciences, plutôt dites dures, sur la radio France Culture. Ces reportages sonores durent entre 6 et 7 minutes, je les enregistre et en fais le montage seul, ensuite je les présente en direct à l’antenne. En gros, je me rends à la rencontre de chercheurs dans leur labo pour qu’ils me parlent de leurs travaux de recherche. Je peux donc en une semaine rencontrer un éthologue qui me parle de l’apprentissage du chant chez les oiseaux et une physicienne des particules. Ou bien visiter un musée d’anatomie pathologique caché sous un campus universitaire et me rendre à la rencontre d’un agriculteur qui replante des arbres pour faire revenir la biodiversité dans ses champs. Par ailleurs je prépare, avec mes collègues, le contenu des émissions. Il s’agit d’un travail de fiche, sorte de grosse dissertation sur un sujet donné (biologie, médecine, astrophysique, écologie, histoire des sciences, nouvelles technologies, science fiction…). C’est passionnant et j’apprends des choses tous les jours.
J’ai été élève en prépa chez les Maristes de 2005 à 2008. J’avais choisi l’option histoire géo pour le concours de l’Ens de Lyon. Ces années ont été les plus intenses de toute ma scolarité, les plus enrichissantes aussi. J’ai donc très bien vécu ces années malgré le stress inhérent à toute préparation de concours. J’ai eu l’impression tout au long de cette période d’être loin du cliché de la prépa calvaire, du marche ou crève, ou de la compétition impitoyable. Le fait que nous soyons peu nombreux ayant sans doute largement contribué à cela, le fait que les enseignants ne nous encouragent pas dans ce sens a aussi évidemment contribué à ce sentiment de bien être malgré les difficultés. Ce qui me reste avant tout de mon passage chez les Maristes, ce sont des amitiés solides qui durent, des souvenirs de potacherie extraordinaires et bon enfant, des moments éprouvants toujours contrebalancés par des moments agréables de solidarité, d’entraide, d’écoute. Nous continuons de nous voir et de nous retrouver C’est la chose essentielle, je crois.
Par ailleurs, de mes années de formation j’ai gardé, je crois, une forme de curiosité pour tout ce qui est nouveau et que je ne comprends pas tout de suite, tout ce qui réclame un travail de recherche, d’approfondissement. J’ai gardé aussi une bonne capacité à travailler dans l’urgence et à essayer d’aller à l’essentiel au plus vite, sans trahir évidemment une idée ou un savoir. Ces années ont été déterminantes pour bien d’autres raisons. Elle m’ont permis d’entrer dans les livres d’une autre façon, avec plus d’envie, de maturité, de soif et de faim, d’admirer des idées, de jubiler en écoutant les enseignants qui nous ouvraient parfois des horizons qui persistent et restent des références dans des situations très variées. Si je devais résumer, je crois que la prépa m’a appris à ne pas me noyer dans un verre d’eau, à toujours questionner les choses, même celles qui me semblaient a priori établies, et à chercher la beauté dans la vie. Rien que ça. Je ne m’étalerai pas plus, je pourrai parler mille ans de toutes ces bonnes choses et du plaisir éprouvé durant ces trois années.